Chère communauté de l’ACME,
Aux quatre coins du pays, nous avons été ébranlés en apprenant que 215 enfants ont été enterrés dans le sol d’un pensionnat à Kamloops. Beaucoup d’entre vous ont probablement aussi entendu parler de l’attaque qui a tué quatre personnes et blessé un cinquième membre d’une famille musulmane à London, en Ontario, laissant orphelin un enfant de neuf ans. J’aimerais partager avec vous quelques réflexions sur ces événements dans le contexte de notre travail à l’ACME.
Mais, avant de partager ces réflexions, je vous suggère quelques endroits où vous pouvez faire des dons et des actions que vous pourriez prendre.
En ce qui concerne les dons, je vous encourage à les faire aux initiatives suivantes comme je l’ai fait, ou à faire un don à des efforts locaux pertinents, là où vous êtes :
- Tiny House Warriors – virement électronique à tinyhousewarriorsfund@gmail.com
- Kamloops Aboriginal Friendship Society – pour un nouveau bâtiment
- Campagne de socio-financement pour venir en aide au garçon de neuf ans dont la famille a été tuée et à la communauté musulmane de London, Ontario.
Si vous souhaitez agir, c’est le moment de lire les 94 appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation du Canada. Vous constaterez, sans surprise, que nous avons encore du chemin à parcourir. Vous pouvez également lire la soumission sur l’islamophobie au Canada du Rapporteur spécial des Nations Unies sur la liberté de religion ou de conviction (disponible en anglais ici : Islamophobia in Canada – Submission to the UN Special Rapporteur on Freedom of Religion or Belief). Nous vous suggérons aussi de prendre les actions suivantes :
- Montrez votre soutien à la mise en œuvre de la motion non contraignante adoptée le 7 juin (Commons passes motion urging feds to drop court actions involving First Nations kids), en :
- appelant votre député(e) pour exprimer que vous êtes en faveur de la conduite immédiate d’une enquête complète sur les lieux de sépulture potentiels des pensionnats;
- demandant au premier ministre Trudeau qu’il mette fin aux poursuites judiciaires contre les enfants autochtones placés en famille d’accueil (End lawsuits against Indigenous children in foster care);
- parlant de l’islamophobie à vos ami(e)s, votre famille et vos collègues – aux côtés des 91 députés qui ont voté contre le projet de loi de 2017 (91 membres du parlement condamnent l’islamophobie) tandis que seuls 3 Canadiens sur 10 l’auraient fait (M-103: If Canadians, not MPs, voted in the House, the motion condemning Islamophobia would be defeated).
Il est assez facile de regarder les horreurs du passé et du présent et de dire que nous ne ferions jamais cela. Et c’est vrai. Je ne peux pas m’imaginer travailler dans un pensionnat. Je ne peux pas m’imaginer être si pleine de rage et de haine au point de pouvoir frapper avec ma voiture une famille qui fait une promenade.
Mais, ce que je comprends maintenant, grâce, en partie, à ma réflexion au long de mes études pour mon doctorat (récemment achevé) sur l’activisme environnemental et la solidarité avec les peuples autochtones, en plus de mes expériences antérieures comme environnementaliste provenant d’un peuple colonisateur, que ces terribles actions proviennent de systèmes qui permettent ou encouragent leur réalisation.
Le système des pensionnats était un acte délibéré d’effacement, de colonialisme et de racisme. Il était mis en œuvre par des politiques gouvernementales (Indigenous lawyer: Investigate discovery of 215 children’s graves in Kamloops as a crime against humanity), dont l’objectif était d’éliminer les peuples autochtones, que ce soit via l’éducation, l’assimilation ou la mort. Le travail quotidien des personnes qui ont dirigé les pensionnats dans un passé (parfois, assez récent) et les actions d’une personne commettant de terrible(s) violence(s) existent dans des systèmes qui font que ces actions semblent normales ou même la seule option, sans égard du contexte et des implications plus larges.
Ici, à l’ACME, nous faisons partie de nombreux systèmes – et j’ai réfléchi à deux d’entre eux en particulier.
Premièrement, bien que nous soyons une voix unique dans les espaces environnementaux, nous sommes à bien des égards alignés sur l’environnementalisme et nous en faisons partie. En tant que mouvement, l’environnementalisme n’a pas un bon bilan d’engagement auprès des peuples autochtones – partiellement, parce qu’il a commencé en acceptant le principe que les colons/non-autochtones devaient déterminer ce qui se passait sur les terres autochtones. Comme il est parti de ce principe, l’environnementalisme risque de participer à l’effacement des autochtones.
Donc, il n’est pas surprenant que l’environnementalisme ait causé des dommages directs aux peuples autochtones. À l’échelle mondiale, les efforts de conservation ont forcé les peuples autochtones à se déplacer et ont causé des dommages irréparables aux lieux sacrés. Au Canada, l’insouciance habituelle de l’environnementalisme s’est traduite couramment par des campagnes qui sacrifiaient par inadvertance les droits et la santé des autochtones pour des changements environnementaux. (Bien qu’en général, je n’oriente pas les gens vers la lecture de ma dissertation – j’ai beaucoup parlé de l’environnementalisme et des peuples autochtones dans mon chapitre d’introduction (disponible en anglais) si cette perspective est nouvelle pour vous et que vous souhaitez en savoir plus).
Deuxièmement, à l’ACME, nous travaillons au sein et à proximité de la médecine. Je suppose que vous connaissez mieux que moi les problèmes systémiques de la médecine. Un pédiatre a récemment dénoncé le colonialisme au Canada avec des exemples de la façon dont le génocide a été perpétré sur les peuples autochtones par le biais du système médical. Des preuves et des anecdotes relatent de nombreux cas de racisme, dont ont été victimes des autochtones en quête de soins. Au Québec, la Commission Viens a avancé 142 mesures pour plusieurs services publics, dont les services en santé et services sociaux.
En réponse à ce qu’on voit maintenant sur les atrocités perpétrées dans les pensionnats, sur le racisme anti-Noir perpétré par la police et d’autres systèmes d’État (Policing Black Lives
State Violence in Canada from Slavery to the Present), et ces derniers jours, dans le sillage du meurtre de quatre membres d’une famille musulmane en Ontario, nous avons souvent entendu la réponse : « Ce n’est pas le Canada ». Cependant, je propose que ces problèmes systémiques et les problèmes systémiques au sein de l’environnementalisme et de la médecine font partie des systèmes qui ont créé le Canada. Déclarer que ce n’est pas le Canada, c’est ignorer que ces actes et incidents découlent de la violence de la fondation même du Canada, en tant que pays de colonisateurs. Qu’il s’agisse de micro-agressions sous forme de questions telles que « d’où venez-vous? », de harcèlement public et de discrimination à l’égard des femmes musulmanes qui portent le hijab, de profilage racial et de ciblage des musulmans par le SCRS, ou de crimes haineux violents dans les mosquées. L’islamophobie est, honteusement, beaucoup plus présente au Canada que les gens ne veulent bien l’admettre. Il est temps d’en finir avec l’idée que le racisme, la discrimination et la haine systémiques n’existent pas au Canada et de confronter et de travailler activement à changer les systèmes qui perpétuent et contribuent à l’islamophobie et à la suprématie blanche.
Ceux/celles d’entre nous qui ont grandi en tant que colons dans des pays colonisés sont engagé(e)s dans une voie qui les poussent à perpétuer les normes de l’endroit où ils se trouvent. J’ai passé mon enfance au Canada et aux États-Unis et on m’a inculqué de nombreuses idées racistes et coloniales. Je ne crois pas que cela fasse de moi une mauvaise personne – mais je crois que je dois travailler activement chaque jour pour analyser les systèmes dans lesquels je me trouve et ce qui me semble acceptables ou évidents dans ces systèmes. Je ne pense pas que cette analyse me mettra à l’abri du racisme ou du colonialisme. Cependant, je pense que cela m’aidera – et que le fait de faire partie d’une communauté engagée dans ce même travail m’aidera énormément.
J’ai réfléchi pendant un certain temps à la meilleure façon d’entamer une conversation au sein de la communauté de l’ACME pour assurer que notre travail soit activement antiraciste. Tout comme nous reconnaissons que le changement climatique, la pollution atmosphérique et l’exposition aux produits chimiques sont des menaces pour la santé – et nous avons travaillé à résoudre ces problèmes en soutenant la législation contre le racisme environnemental. Il en va de même pour le racisme, l’islamophobie et la discrimination sous toutes ses formes. Je suis ouverte à vos suggestions sur le format que pourrait prendre cette conversation. Entretemps, surveillez vos courriels pour des invitations à des discussions ou à des événements. Pour l’instant, je peux vous diriger vers l’excellente série de webinaires sur la justice environnementale organisée récemment par le comité régional de la Colombie-Britannique (disponible en anglais).
Enfin, je cite mon amie Tria Donaldson qui a écrit dans le Regina Leader-Post : « La découverte des restes de 215 enfants ne me surprend pas. Je suis en colère. Je suis également en colère parce que je ne suis pas surprise. » Tria nous exhorte à se souvenir et à agir – et faire un don est un acte en ce sens – ça fait partie de notre travail collectif. Appeler votre député, c’est du travail. C’est du travail aussi de mettre en œuvre une recommandation de la Commission de vérité et réconciliation du Canada où vous travaillez. Notre travail consiste à nous opposer à la haine, au racisme, à l’islamophobie, sous toutes ses formes subtiles et évidentes. Nous sommes une communauté créative. Je vous encourage à communiquer entre vous sur le travail que vous entreprenez afin que nous puissions nous engager ensemble dans cette voie au-delà de ces dernières semaines.
Bien à vous,
Anjali et l’équipe du personnel de l’ACME